Des phrases sans fautes, structurées de façon impeccable, suscitent parfois la méfiance. Une argumentation qui évite toute nuance ou qui répond trop parfaitement à la consigne ne passe pas inaperçue.
La répétition de certains mots, l’absence d’exemples personnels ou encore l’utilisation de formulations génériques alertent les enseignants expérimentés. Un style uniforme, dénué de maladresses habituelles, constitue souvent un indice supplémentaire.
ChatGPT à l’école : un défi grandissant pour les enseignants
Face à la montée en puissance de ChatGPT dans les établissements scolaires, les professeurs voient leurs repères bouleversés. Cette intelligence artificielle capable de rédiger des textes nets et bien construits exige un œil plus attentif. Les enseignants se retrouvent à examiner des devoirs d’une aisance inaccoutumée, à se demander si l’élève a réellement rédigé ces lignes ou s’il a reçu un coup de pouce numérique.
Les attitudes diffèrent selon les équipes pédagogiques, souvent partagées entre scepticisme et volonté de s’adapter. Certains ajustent leur manière d’enseigner, multipliant les exercices réalisés en classe afin de jauger les véritables compétences de leurs élèves. D’autres préfèrent proposer des sujets qui obligent à illustrer par des expériences vécues, rendant plus difficile la génération automatique de contenu impersonnel.
Débusquer un texte issu de ChatGPT relève parfois d’une expérience d’équilibriste. Les professeurs observent de près la cohérence entre le style du devoir et celui des précédentes copies de l’élève, à la recherche de signes révélateurs.
Voici les signaux d’alerte qui reviennent le plus souvent :
- Un vocabulaire étonnamment fourni, des formulations nettes, une argumentation dépourvue de zones d’ombre : autant de marqueurs qui éveillent les soupçons.
- La connaissance fine du niveau de chaque élève reste la meilleure alliée des enseignants, qui savent repérer une rupture de style ou un niveau soudainement élevé.
L’expansion de ChatGPT dans les classes ne faiblit pas, poussant les professeurs à réinventer leur façon d’évaluer. Plus qu’une simple course technologique, il s’agit d’une réflexion collective sur la transmission du savoir et la place de l’humain dans l’apprentissage.
Quels indices trahissent l’utilisation d’une intelligence artificielle dans un devoir ?
Déceler un texte généré par ChatGPT exige finesse et habitude. À force de corriger, les enseignants développent un vrai flair pour les subtilités qui échappent au regard extérieur.
Quelques éléments caractéristiques reviennent régulièrement dans leurs observations :
- Un style d’une constance presque artificielle, enrichi d’un vocabulaire soutenu mais sans variation notable.
- Des tournures de phrases complexes, une syntaxe maîtrisée d’un bout à l’autre, sans la moindre hésitation ou maladresse.
Le rythme du texte lui-même peut mettre la puce à l’oreille.
- Des phrases longues et structurées s’enchaînent, mais laissent une impression de distance, loin du naturel d’un élève.
- L’absence totale d’erreurs ou d’imprécisions, alors que le professeur connaît bien les faiblesses habituelles de ses élèves.
Certains devoirs ressemblent alors à des exercices de style, parfois presque trop littéraires, qui n’ont rien à voir avec les productions habituelles d’un adolescent. Dans les matières scientifiques, il arrive que des solutions ou des raisonnements théoriques soient proposés avec une précision et une référence inhabituelles.
Voici d’autres signaux qui attirent l’attention des enseignants :
- Un style trop académique ou des envolées verbales peu crédibles pour un élève de l’âge concerné
- Des formulations très générales, stéréotypées, sans ancrage dans le vécu
- L’absence d’exemples concrets, en particulier locaux ou personnels
- Un raisonnement linéaire, sans prise de risque ni digression
Lucas Markarian, professeur de lettres, en témoigne : « Même la meilleure dissertation comporte des aspérités. Un texte lisse, sans hésitation, révèle souvent l’intervention de ChatGPT. » L’entraînement consiste alors à comparer avec les copies précédentes et à prêter attention à ces détails qui, cumulés, révèlent le recours à l’IA.
Zoom sur les méthodes et outils concrets pour repérer les textes générés
L’arrivée de logiciels de détection modifie la façon de travailler des professeurs. Plusieurs établissements, surtout au collège et au lycée, utilisent des plateformes comme Turnitin ou Compilatio, d’abord conçues pour repérer le plagiat, mais qui traquent aujourd’hui la « signature » des textes générés par ChatGPT. Redondances, absence d’ancrage personnel, phrases trop neutres : ces outils décortiquent chaque ligne à la recherche d’indices qui échappent à l’humain.
Les méthodes plus classiques restent très utilisées. Un passage suspect copié dans Google peut parfois révéler des extraits entiers issus de bases de données ou de forums. Les professeurs, qu’ils enseignent les lettres ou les mathématiques, n’hésitent pas à interroger leurs élèves à l’oral pour vérifier s’ils maîtrisent vraiment le contenu du devoir.
Les principales techniques employées par les enseignants s’articulent autour de ces axes :
- Analyse du style : repérer les phrases trop longues ou un vocabulaire qui détonne par rapport au niveau de la classe.
- Logiciels dédiés : utiliser des outils spécialisés pour identifier les textes générés par ChatGPT.
- Comparaison avec les productions antérieures : rechercher les changements soudains de style ou de niveau.
Entre exploration numérique et intuition, la vigilance des enseignants s’aiguise. La détection d’un texte écrit par ChatGPT relève alors d’une enquête, où la technologie ne remplace pas le regard averti du professeur.
Encourager l’honnêteté académique à l’ère de l’IA : pourquoi c’est essentiel
L’accès grandissant à ChatGPT et à d’autres outils d’intelligence artificielle attire naturellement vers la facilité, surtout dans les collèges et lycées. Mais la question dépasse largement la simple fraude. Ce qui se joue, c’est la formation de l’esprit critique, le goût de l’effort, la capacité à réfléchir par soi-même.
À mesure que les textes générés par l’IA se multiplient, la discussion avec les élèves prend une importance nouvelle. Certains enseignants ouvrent le dialogue sur l’usage de ChatGPT : rédiger sans comprendre, est-ce encore apprendre ? À partir de quand franchit-on la ligne entre aide et tricherie ? Ces interrogations concrètes responsabilisent chaque élève, sans tomber dans le discours moralisateur.
Voici comment les enseignants travaillent pour renforcer l’éthique et la pensée critique :
- Développer l’esprit critique : apprendre à argumenter, à évaluer la fiabilité d’une information
- Renforcer l’éthique : expliquer les conséquences sur la confiance, l’apprentissage et l’évaluation
- Valoriser l’authenticité : encourager l’expression personnelle, la prise de risque, même si tout n’est pas parfait
L’école s’affirme ici dans un rôle nouveau : non seulement transmettre des savoirs, mais guider chacun vers l’autonomie intellectuelle. La vigilance n’est pas qu’une affaire de contrôle, mais d’exemple, de dialogue, de refus de la facilité. Les professeurs de mathématiques aiment à le rappeler, parfois avec ironie : recopier un corrigé, c’est s’offrir une note creuse et passer à côté de ce que l’école peut vraiment offrir. Face à l’IA, c’est l’humanité de la copie qui devient le vrai trésor.


